Les émotions font partie intégrantes de nos vies, certaines sont agréables, d’autres désagréables mais elles sont avant tout une information nous permettant de savoir si nos besoins sont satisfaits ou non. Les émotions fonctionnent de telle manière que, plus on tente de les supprimer, plus elles prennent de la force. Alors comment faire ?

Parmi les émotions désagréables, l’une d’elle, particulièrement difficile, est la frustration. L’apprentissage de la frustration fait partie des étapes importantes du développement de l’enfant. Cela fait partie des émotions désagréables auxquelles il sera confronté dans sa vie. Les parents sont souvent désemparés lorsque, face à un « non », l’enfant se met à crier, à faire une crise de colère, à taper, s’énerver.

Trois idées à retenir pour accompagner votre enfant dans cette expérience de la frustration :

1. La frustration est une émotion désagréable.

Pour y faire face, pour aller « explorer » cette émotion, l’enfant a besoin de se sentir en sécurité dans la relation d’attachement qu’il a avec vous. Vous, parents, êtes comme une « base de sécurité » affective qui lui permet d’être suffisamment confiant et armé pour aller visiter le monde extérieur – c’est ce qui lui permet d’ apprendre, de jouer, d’entrer en relation … – et le monde intérieur , – les pensées, les sentiments, les émotions . Pour que l’enfant puisse traverser la frustration en toute sécurité, il est important qu’il se sente protégé dans la relation avec vous, qu’il sache que vous êtes disponibles pour l’aider face à cet évènement difficile. Ainsi, vous pouvez lui dire « non », tenir la limite, ce sera plus facile à vivre pour lui du fait qu’en même temps il est soutenu pour traverser ce moment difficile : « oui je vois que c’est désagréable pour toi de ne pas avoir ce que tu veux, ça te met en colère ! Pourtant ce n’est pas possible. Par contre, je peux t’aider, te prendre dans les bras si tu en as besoin. ». Un besoin compris est à moitié rempli…. Il n’est pas possible de répondre à tous les besoins de nos enfants, parce qu’il existe des règles, des limites, des impératifs… par contre, il est tout à fait possible de prendre le temps de les comprendre, et de les reconnaitre. L’idée n’est pas d’être laxiste, mais d’aider l’enfant à supporter la limite comme on l’aiderait à faire ses lacets, apprendre à nager, former les premières lettres. Il ne nous viendrait pas à l’idée d’isoler un enfant seul dans sa chambre s’il est en difficulté pour faire ses lacets… pourtant, c’est ce qu’il se passe souvent lorsqu’un enfant est en difficulté face à la frustration.

2. Le cerveau de l’enfant apprend par imitation.

Bien sûr, il est important de lui expliquer les règles et comment le monde fonctionne. Cependant, il sera aussi très sensible à la façon dont vous-mêmes, parents, procédez face à un refus, ici en l’occurrence son refus d’accepter la limite que vous lui mettez. Votre exemple aura autant, sinon plus d’effet que vos explications. Ce qui peut vous aider à l’aider, c’est de vous demander comment vous-même vivez un refus. Parfois, cela peut vous mettre en colère qu’il refuse de faire ce que vous lui demandez. Parfois, il vous est possible de garder votre calme Parfois, vous êtes créatifs et inspirés pour introduire le jeu. Votre manière de répondre à son opposition sera l’exemple le plus utile pour lui. C’est ce qui modélise pour lui la façon de répondre au « non » des autres. C’est surtout ainsi qu’il apprend, en prenant exemple sur vous.

3. Les structures cérébrales à l’origine des émotions fortes sont matures bien avant celles qui sont impliquées dans la régulation de ces mêmes émotions.

Avant 5-6 ans, il est physiologiquement très difficile pour un enfant de réguler seul les émotions. Même en « faisant un effort », cela lui est impossible, de même qu’un petit de 6 mois ne peut faire l’effort de marcher. Garder cela à l’esprit est très important, pour comprendre qu’il est contreproductif de laisser l’enfant seul, en l’isolant dans sa chambre par exemple. La capacité de réguler les émotions est une question de temps et d’accompagnement et c’est une bonne nouvelle. C’est pourquoi, en accompagnant vos enfants le mieux possible à traverser ces moments difficiles, vous leur permettez de développer de bonnes capacités à les réguler plus tard, quand leur cerveau est mature. Ce soutien favorise un bon développement physiologique des fonctions cérébrales qui seront utiles pour la régulation des émotions. Le cerveau de l’enfant vit une grande tempête et votre présence est indispensable pour la calmer. La proximité physique est très importante pour cela. Elle est rassurante et évite de couper la relation. Tant que leur cerveau est submergé par les vagues émotionnelles, ils ont besoin que vous restiez proches physiquement.

Retenez que cela ne sert à rien de crier, de menacer ou de punir. Cela empire la situation : un cerveau stressé ne peut pas apprendre de ses erreurs par contre il deviendra hypersensible à toutes situations risquant de créer la frustration à nouveau et réagira plus intensément.

Zoé PENAU, psychologue

Alors comment faire autrement ?

Je prends souvent l’exemple de « l’échelle de la colère » pour expliquer ce qu’un enfant peut vivre face à cette émotion difficile. Imaginons une échelle à 5 barreaux. L’enfant est calme, puis il commence pour une raison ou une autre à devenir irrité : il vient de grimper sur l’échelle. Si nous n’aidons pas l’enfant, d’irrité, il va passer à énervé : il vient de grimper le deuxième barreau. Puis il se met clairement en colère : il vient de franchir le troisième barreau de l’échelle. Sans aide, il peut devenir agressif : il vient d’arriver au quatrième barreau et enfin, le dernier barreau vient d’être franchi : c’est la crise de colère. Il y a donc plusieurs étapes avant la crise, mais il faut s’imaginer que le dernier barreau est comme un seuil dans l’émotion, qui ne permet plus de l’aider à réguler. Autrement dit, une fois la crise arrivée, il n’y a pas grand-chose à faire à part attendre qu’elle passe (protéger l’enfant pour qu’il ne se fasse pas mal bien sûr ou le prendre dans les bras si il accepte le contact…). Souvent les parents demandent comment gérer les crises ? Nous n’allons pas vous aider à gérer les crises, mais à faire en sorte qu’elles n’apparaissent plus. Et pour cela il faut intervenir avant la crise, dès que l’on sent son enfant irrité, ou énervé… En tout cas bien avant le cinquième barreau de l’échelle.

Comment aider son enfant à redescendre de l’échelle de la colère ? La première chose, évidemment, pour aider un enfant à redescendre d’une échelle, c’est de ne pas y être soi-même.

Souvent, c’est l’inverse qui se passe : l’enfant commence à être irrité, le parent se sent irrité à son tour (il grimpe avec l’enfant sur l’échelle), et comme dans un cercle vicieux, chacun s’entraine vers le haut de l’échelle et la crise apparait plus vite qu’on ne l’imagine.
Plus le parent intervient tôt, dès les premiers signes d’irritation, en nommant les émotions de l’enfant, plus il va aider l’enfant à faire l’expérience de redescendre de l’échelle.

Imaginons un enfant de 4 ans qui voulait déjeuner ce matin avec son bol préféré. Mais son bol préféré est au lave-vaisselle… Sa maman lui explique, et l’enfant de répondre « jeee veeuuux mon boool !!!!! » la maman lui réexplique, l’enfant insiste, elle finit par le recadrer, il s’énerve et la tape, elle le gronde… c’est la crise.

Aider l’enfant à redescendre de l’échelle, c’est lui parler le langage de l’émotion parce que le langage de la logique et de la rationalisation (il est sale, il est dans le lave-vaisselle) ne marche pas tant que le cerveau des émotions n’est pas apaisé. En clair, pris dans son émotion, il ne vous entend même pas lui expliquer logiquement le pourquoi du comment….

Parler le langage de l’émotion avec empathie: « et oui, j’ai l’impression que tu avais très envie de ton bol préféré ce matin, tu l’aimes beaucoup ce bol, tu dois être très déçu », permet à l’enfant d’apaiser le cerveau des émotions.

La maman qui m’avait donné cet exemple du bol préféré m’a expliqué avoir accueilli l’émotion de son enfant lors d’un matin suivant, et la colère « s’est dégonflé d’un coup » : « je lui ai dit que je comprenais qu’il ne soit pas content, et que ça devait être difficile pour lui. Puis il m’a demandé un bisou pour l’aider et il est retourné à son petit déjeuner, avec le bol qu’il ne voulait pas au début, l’orage était passé, ça m’a pris 2 minutes ».
En verbalisant les émotions, en mettant des mots dessus, avec empathie, on aide l’enfant à redescendre de l’échelle.

Chaque émotion désagréable que votre enfant va avoir à traverser est comme une opportunité pour vous, en tant que parent, de renforcer le lien avec lui, en lui montrant que vous êtes là pour l’accompagner et qu’il peut compter sur vous dans les moments difficiles. C’est ce qui lui permettra aussi de se sentir compétent. L’idée n’est pas d’être laxiste en évitant toute frustration, l’idée est d’accompagner l’enfant pour traverser la frustration et ainsi renforcer sa confiance en lui.

Que se passe-t-il si l’on crie ? Personne n’est parfait, que l’on soit parents ou professionnels de l’enfance, il peut arriver à tout le monde de s’énerver et de crier sur un enfant, par fatigue, stress, impuissance…. Lorsque cela nous arrive, utilisons cette opportunité pour parler de nos émotions à nos enfants, une fois que la « pression » est retombée, et surtout s’excuser. Ce n’est pas se mettre dans une position de faiblesse que de s’excuser face à un enfant, au contraire, c’est lui montrer que l’on est suffisamment fort pour reconnaitre ses erreurs « excuse-moi, je n’aurais pas dû te crier dessus, tu vois, moi aussi parfois je peux être très en colère ». Si cela nous arrive trop souvent de crier, cherchons de l’aide, du soutien, des relais car pour sécuriser un enfant, il est important d’être sécurisé soi-même.

Références :

  • Faber et Mazlish : Parents épanouis, enfants épanouis
  • Nicole Guédeney : L’attachement, un lien vital
  • Catherine Gueguen : Pour une enfance heureuse
  • Isabelle Filliozat : Au cœur des émotions de l’enfant
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