Vanessa Calas, directrice de l’Institut de la Parentalité de Cahors-Pradines
« Engagement » ! Voilà un mot qui colle à la peau de Vanessa Calas et de toute son équipe. Et pas un simple mot. Pour lutter plus efficacement contre les violences, l’équipe a mis en place un nouveau dispositif, baptisé Phénix©, de traitement EMDR en groupe. Et pour faire bouger en profondeur les regards et les postures, l’institut de Cahors-Pradines (46) propose un accompagnement des pratiques aux professionnels du département. « Appartenir à la Fédération des Praticiens de la Parentalité porte l’équipe, souligne Vanessa, on voit plus loin et plus grand ! » Retour sur le parcours d’une femme à l’énergie combative.
Elle a l’accent chantant du Lot. « J’ai travaillé un peu partout et je suis revenue dans mon département d’origine ! » sourit Vanessa Calas. Elle a été éducatrice spécialisée avant de devenir thérapeute familiale. Son parcours est fait de rencontres et d’expériences constructives. Et d’une bonne dose d’engagement : elle mène une lutte indéfectible contre les violences éducatives et intrafamiliales. Sans rien lâcher.
Petit retour en arrière. En début de carrière, Vanessa travaille en CSAPA (Centre de Soins, d’Accompagnement et de Prévention en Addictologie) : « j’ai accompagné pendant 15 ans des personnes addictes avec ou sans substances. C’est à cette époque que je me suis formée à la thérapie familiale systémique, car je me suis rapidement rendu compte avec ce public que les problématiques familiales étaient très présentes. Loin de l’image du toxicomane agressif qui fait peur, j’étais confrontée en réalité à des profils très cabossés ».
Progressivement, Vanessa s’installe en libéral pour proposer de la thérapie familiale et conjugale. Mais elle constate que l’accompagnement bloque souvent face à des psycho-traumatismes. « Ce registre est peu abordé dans nos formations initiales, explique-t-elle, j’ai dû chercher une autre approche pour m’aider dans ma pratique ».
Elle découvre l’EMDR et décide de se former à cette psychothérapie par mouvements oculaires qui cible les mémoires traumatiques des personnes. « On est en 2014-2015, j’étais seulement la deuxième à être formée dans le Lot, se souvient Vanessa. J’ai été débordée de demandes ! ».
« J’étais confrontée en réalité à des profils très cabossés »
Vanessa s’installe avec une collègue psychologue, formée aussi à l’EMDR, Valériane Timmer. Les bureaux, encore en travaux, sont à Pradines en banlieue de Cahors. « C’est là que tout a démarré, raconte Vanessa, on ne s’est pas appelé tout de suite Institut de la Parentalité mais l’histoire a débuté là. On a voulu créer une équipe et un lieu interdisciplinaires, pour proposer des approches complémentaires, certaines plus corporelles par exemple avec une sage-femme ostéopathe ou une infirmière formée à la sophrologie. On a commencé à 5 ou 6, tous diplômés d’Etat, gage de professionnalisme pour nous, dès le départ ».
En 2017, Vanessa devient maman et cherche un accompagnement en parentalité. Elle ne trouve rien sur le secteur de Cahors. Alors elle repart se former ! Elle entraîne deux collègues. Ce qui les unit, c’est la lutte contre les violences éducatives et intrafamiliales. « Dans nos consultations en EMDR, on entendait que ça ! se souvient Vanessa. Et quand on allait chercher les situations « sources », on tombait toujours sur des violences éducatives, des négligences, des maltraitances… J’avais l’impression d’être un pompier qui éteint un feu qui ne s’arrête jamais ! Je me suis dit qu’il fallait changer de paradigme : l’EMDR est un outil extraordinaire, mais à un moment, il faut faire de la prévention. Et j’ai eu la chance d’avoir des collègues qui partageaient la même vision ».
Les chiffres sont édifiants, poursuit Vanessa : « Toutes les sociétés qui ont investi de manière massive dans la prévention et la lutte contre les violences faites aux enfants, voient baisser leurs chiffres de la délinquance, des violences faites aux femmes… tout a un rapport avec ça ! ». Et de citer un excellent documentaire de Marion Cuerq sur la façon de travailler avec les enfants en Suède.
Les valeurs et les batailles de l’équipe de Cahors se recentrent sur la notion de prévention, la rencontre avec les Instituts de la Parentalité va devenir une évidence. « En suivant la communication de l’Institut de la Parentalité sur Linkedin et les réseaux, se souvient Vanessa, je retrouvais complètement notre travail. J’ai vu que des instituts s’étaient montés ailleurs qu’à Bordeaux, je me suis dit pourquoi on ne le ferait pas aussi ?! »
Elle contacte l’équipe Support à Cenon, on lui explique le fonctionnement et le socle commun de formation autour de l’attachement, une théorie à laquelle elle avait déjà pris soin de se former. « On a créé l’association Parentalités 46 en décembre 2022. En 2023, on s’est structuré et formé. En juin 2024, on est passé niveau 3 », résume Vanessa.
L’équipe de Parentalités 46 compte aujourd’hui 15 professionnels. « Devenir un institut nous a permis de mieux nous structurer, on a été accompagné, souligne Vanessa. Le fait d’appartenir à une fédération nous apporte plus de crédibilité et donne plus de sens à nos actions. On continue par ailleurs à communiquer en proximité : on a monté une chaîne Youtube, par exemple, pour être plus visible localement et montrer, à travers un ton humoristique, qu’on est accessible à tous ».
Vanessa travaille 80% de son temps sur le poste de direction. « Gérer la partie administrative, la communication, les subventions, la comptabilité, l’équipe, la programmation, les liens avec les partenaires… c’est un boulot énorme ! » reconnait-elle. Elle continue à intervenir dans les soirées-débats, les conférences et auprès des professionnels. Elle assure aussi des formations pour l’Institut de la Parentalité.
L’équipe de Parentalités 46 a choisi d’activer deux leviers essentiels sur son territoire : la lutte contre les violences faites aux enfants, et l’analyse des pratiques professionnelles. « On a envie d’être très présent auprès des professionnels, de leur apporter des ressources, commente Vanessa. On continue d’être là pour les parents, mais on s’est aussi positionné, pour faire bouger les lignes, sur l’accompagnement des pratiques professionnelles ».
Pour lutter contre les violences éducatives et intrafamiliales, Parentalités 46 a créé et mis en place un dispositif inédit appelé Phénix©.
« C’est un dispositif de pratique EMDR en groupe, explicite Vanessa. Nous l’avons créé de toutes pièces, sous la houlette de Valériane Timmer, superviseuse et formatrice EMDR. L’équipe compte 12 psychologues formés à l’EMDR spécifique enfants-ados. On a modélisé ce dispositif pour accompagner les enfants victimes de violences conjugales et leurs parents. On est dans notre troisième année de pratique, avec un total de 150 enfants pris en charge cette année, et une quarantaine de parents -dont 99% de femmes ».
« Appartenir à une fédération nous apporte plus de crédibilité et donne plus de sens à nos actions »
« On s’est aussi positionné, pour faire bouger les lignes, sur l’accompagnement des pratiques professionnelles »
Si l’EMDR est souvent bien identifié comme une psychothérapie non verbale, très peu de gens savent qu’on peut le pratiquer en groupe.
« La pratique groupale a été beaucoup développée en Colombie, dans les favelas, informe Vanessa. C’est une pratique aussi beaucoup utilisée dans le champ de l’urgence, après des attentats, par exemple. Ma collègue Valériane a mis en place des groupes EMDR pour les survivants du Bataclan en 2015, et ceux des attentats de Nice en 2016 ».
« Dans le Lot, chaque année, 500 enfants sont potentiellement concernés par des violences conjugales, poursuit-elle. On n’est tout simplement pas assez nombreux pour traiter ces enfants un par un. L’approche en groupe permet de gagner un temps précieux : les enfants qui ont vécu des violences et qui ont besoin d’un accompagnement EMDR pour déchoquer rapidement ont un rendez-vous en moins de 15 jours ! »
Tous les 15 jours donc, un groupe EMDR a lieu dans trois endroits différents du Lot. « Comme on est en milieu rural, il faut aller vers, certaines familles ne peuvent pas faire 100 km à travers le département pour un rendez-vous, souligne Vanessa. On a donc trois équipes de psy EMDR, positionnées dans trois villes du Lot et coordonnées par Valériane ». Le dispositif prend en charge des enfants de 3 ans à 17 ans. Un groupe peut rassembler une quinzaine d’enfants, d’âges mêlés, l’expérience ayant montré une meilleure dynamique quand les plus grands prennent en charge les plus jeunes. Ils sont accompagnés par deux ou trois thérapeutes, en fonction de l’âge des enfants : plus il y a de petits, plus il faut de thérapeutes.
Pour certains enfants, deux séances vont suffire. « Le dispositif propose un « traitement » EMDR, pas une psychothérapie EMDR, précise Vanessa. On vient cibler un point précis, des violences avec des images, des pensées intrusives, provoquant un état de stress post-traumatique. Le but est d’enlever les symptômes les plus aigus : des troubles du sommeil, des maux de ventre, des crises de colère… pour que l’enfant et son parent puissent refonctionner à peu près normalement dans le quotidien. En cas de trouble plus ancré, on basculera dans un suivi plus long, en psychothérapie EMDR ».
Le grand intérêt de ce dispositif est de se situer à la fois dans le traitement (l’équipe est dans le soin), et dans la prévention : en traitant ces événements de manière précoce, l’idée est d’éviter que la violence se répète à l’âge adulte. Le dispositif est monté en lien avec la gendarmerie, la police, les associations d’aide aux victimes. Il fonctionne bien.
« L’équipe de Parentalités 46 est dans une mouvance commune. On est tous engagés ! » conclut Vanessa. Une énergie collective qui force l’admiration.
« Il faut aller vers certaines familles ne peuvent pas faire 100km … pour un rendez-vous »
« L’équipe de Parentalités 46 est dans une mouvance commune. On est tous engagés ! »
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