Psychomotricienne diplômée depuis 2016, elle est aussi autrice (d’un livre sur l’HNI – Hygiène Naturelle Infantile), formatrice spécialisée dans l’accompagnement du besoin d’élimination (continence, propreté et HNI), et instagrameuse sous le pseudo de Miss Psychomot depuis presque 10 ans… Hyperactive ?! « Peut-être un peu », reconnait Rokiyah en riant. En tout cas passionnée !
Jeune maman célibataire à 25 ans, elle a soulevé des montagnes pour tracer sa route. La découverte de la HNI et du champ de la parentalité l’ont conduite assez naturellement à rejoindre l’Institut de Paris Sénart en 2023. Elle tombe alors dans la marmite de la Théorie de l’Attachement : s’éloignant d’un processus « rééducatif à tout prix » dans sa pratique, elle intègre un rapport au temps plus lent, qui inclut systématiquement les parents. Elle explore aussi de nouveaux champs de la guidance parentale, dans le cadre de la communication parents-enfants avec autisme.
« À l’Institut, le cadre permet aux parents de se sentir accueillis, invités et respectés tels qu’ils sont et ça change tout ! », observe Rokiyah. Et quand elle parle d’accueillir les gens comme ils sont, Rokiyah sait de quoi elle parle : elle qui porte le voile n’a pas toujours été bien perçue.
Après le bac, elle passe une licence de psychologie, elle veut devenir conseillère d’orientation. Mais elle doit gagner rapidement sa vie. Elle entre à la Sécurité Sociale après un job d’été, elle y reste. Entre temps, elle a eu un premier enfant, elle se retrouve rapidement maman solo. « J’ai tout remis en question dans ma vie à cette époque, je savais que je voulais faire autre chose, mais je ne pouvais pas quitter mon emploi comme ça », commente Rokiyah.
En allant voir une orthoptiste, elle découvre le statut de libéral qui l’intéresse immédiatement : elle pourra travailler sans qu’on lui interdise de porter le voile ; elle découvre surtout une discipline, la psychomotricité, où l’utilisation du jeu comme médiation pour la rééducation, à tout âge de la vie, capte son attention. Avec sa licence de psychologie, elle peut entrer en première année. Une école à Boulogne Billancourt fait ses sélections à cette époque de l’année : elle se présente, est convoquée pour passer les entretiens et elle est reçue ! En deux mois sa vie est bouleversée.
Comme l’école est payante, Rokiyah va travailler à plein temps, tout en s’occupant de son enfant et en rattrapant les cours que ses amis de prépa lui font suivre. Un vrai défi ! Et elle réussit sa première année ! En 2e et 3e années, elle décroche un contrat d’alternance dans une maison de retraite à dix minutes de chez elle.
En 2016, son diplôme en poche, Rokiyah signe un mi-temps dans la maison de retraite et se lance en libéral. « En rencontrant différents publics, raconte-t-elle, je m’intéresse au sujet de la continence-incontinence. Il concerne aussi bien les jeunes enfants, les personnes âgées ou la sphère du handicap, et je vois clairement qu’il n’est pas traité, qu’on le met de côté. Ça me questionne ! ».
Quelques années plus tard, alors qu’elle attend son deuxième enfant, elle découvre l’hygiène naturelle infantile. « C’est une pratique qui permet de répondre aux besoins d’élimination de son enfant dès la naissance, détaille Rokiyah. Les quelques lectures que je trouve en m’intéressant au sujet m’apprennent des choses qui rejoignent tout ce que j’observe dans le domaine de la continence ». Le thème devient pour elle un sujet de recherche. Pendant son congé parental, elle se lance dans l’écriture d’un livre sur l’hygiène naturelle infantile. Il sera publié en 2021 aux éditions Leduc.
Au moment où son livre sort, elle a quitté la maison de retraite et rejoint deux équipes, l’une en hôpital de jour, en pédopsychiatrie pour les enfants de 18 mois à 4 ans ; l’autre en UEMA (unité d’enseignement maternelle autismes) avec des enfants de 3 à 6 ans. Elle y apprend énormément, mais se sent isolée et peu reconnue dans sa profession : « mon expertise de psychomotricienne dans le sensoriel n’était pas prise en compte. C’était très dur pour moi, je proposais des choses pour l’accompagnement de la continence notamment, mais les équipes avaient leur façon de faire. Surtout, il fallait faire pareil avec tous les enfants… mais les enfants sont tous différents ! » s’insurge Rokiyah. Elle mesure à cette occasion, parce qu’elle ne réussit pas toujours à les croiser, combien la place des parents est importante : « sans les parents, on n’a pas les infos, et sans les infos, on ne peut aider ni l’enfant, ni la famille », résume-t-elle. Son intérêt pour la guidance parentale est né.
« Quand je suis la formation sur la Théorie de l’Attachement, c’est une évidence, j’ai le sentiment d’être là où je dois être », se souvient-elle. En réunion, elle entend parler avec empathie des parents. « Plus encore, on cherche des solutions avec eux, on les inclut ! Je sais très vite que c’est ainsi que je veux travailler », conclut-elle.
Rokiyah s’investit dans une association pour enfants autistes. Elle est sur tous les fronts et s’épuise. Quand elle croise une annonce de recrutement de l’Institut de la Parentalité Paris Sénart, elle a décidé de lever le pied… Mais la curiosité l’emporte, elle va quand même à l’entretien ! « J’y vais telle que je suis : avec ma personnalité, mon livre, le fait d’être sur Instagram, de porter le voile… Et ça ne gêne personne à l’Institut, au contraire, ils adorent ce que je fais ! ». Rokiyah s’en étonne encore : « je ne me suis pas sentie jugée, c’était la première fois dans un entretien ». Elle veut travailler avec les parents, les jeunes enfants et être formée : elle a frappé à la bonne porte. Elle intègre l’Institut en avril 2023.
Elle explique : « avant cette formation, j’apportais moi-même des pistes de résolution des problèmes. Je n’avais pas spécialement en tête les « habilités parentales ». Aujourd’hui, je replace systématiquement le parent et son enfant au cœur de nos échanges, j’amène le parent à regarder son enfant autrement, pour le conduire progressivement à être en capacité d’organiser lui-même les choses autrement. Et ça change tout ! ».
À l’Institut, Rokiyah reçoit beaucoup de petits patients autour des questions de continence. C’est le domaine de recherche qui la passionne. Elle fait bien sûr des bilans de psychomotricité plus classiques, pour déceler des troubles neurodéveloppementaux. Elle est souvent sollicitée sur la gestion des émotions : « je suis très attentive à ce qui peut agresser un enfant au niveau sensoriel, explique-t-elle à ce propos. Un enfant qui a du mal à gérer son environnement sensoriel, la lumière ou le bruit autour de lui en classe par exemple, aura du mal à se concentrer, il sera agité ».
Rokiyah s’est formée récemment à la thérapie de communication avec les enfants autistes (PACT). « Je travaille dans ce cadre avec les parents via la vidéo, développe-t-elle. À partir d’échanges filmés entre le parent et l’enfant, que je regarde ensuite avec le parent, on va essayer d’améliorer la communication. C’est hyper stimulant, car les parents découvrent à cette occasion tout ce qu’ils font bien ! On recrée ensemble le lien parent-enfant et la sécurité parentale ».
Rokiyah adapte sa pratique en fonction des situations. « Si cela stresse le parent de regarder son enfant, dit-elle, j’attends qu’il ait plus confiance dans ce qu’on fait ensemble. Certains parents sont méfiants, d’autres ne veulent pas rester pendant une séance. Je ne vais pas penser que ce sont des parents démissionnaires, je vais essayer de travailler avec eux, sans l’enfant, sur ce qui se joue chez eux aussi ».
« J’ai appris à travailler sur le temps long – et je peux dire que ce n’était pas évident pour moi ! enchaîne Rokiyah en riant. Avant, j’avais une vision très « rééducative » de mon action : il fallait que l’enfant progresse absolument chaque semaine, très vite. J’accepte maintenant que les choses prennent plus de temps. Je donne un ou deux outils, je laisse le parent expérimenter avec l’enfant à la maison, je réajuste ensuite. C’est un échange. J’ai besoin que les parents racontent ce qu’ils vivent avec leur enfant, qu’ils me disent ce qui fonctionne, ce qui ne fonctionne pas. Si un parent a l’air impatient, dit qu’il ne voit pas les progrès, je me questionne : qu’est-ce que je pourrais mettre en place pour qu’il visualise les progrès de son enfant ? Grâce aux outils de l’attachement et de la psychoéducation, je m’autorise à être créative, à sortir du cadre de base de mes études ».
Ce qui motive le plus Rokiyah, c’est de réussir à récréer un pont entre les parents et leur enfant. « Beaucoup arrivent perdus, ils me disent qu’ils ne comprennent pas leur enfant, sa façon d’agir. J’essaie de les faire se reconnecter, se rencontrer à nouveau ».
« J’amène le parent à regarder son enfant autrement »
« Je suis très attentive à ce qui peut agresser un enfant au niveau sensoriel »
« Les parents découvrent à cette occasion tout ce qu’ils font bien ! »
« C’est un échange. J’ai besoin que les parents racontent ce qu’ils vivent avec leur enfant »
Spécialisée dorénavant dans l’accompagnement parental sur les questions d’élimination (HNI, continence, propreté), Rokiyah souhaite continuer à accompagner parents et enfants sur la gestion des émotions, ainsi que sur la communication dans le contexte de l’autisme. Dans tous les cas, son prisme est celui de la guidance parentale.
« Je travaille dans un environnement formidable, confie Rokiyah. A l’Institut, on se fait confiance entre collègues, on incarne ce qu’on dit : on applique la Théorie de l’Attachement à nos propres relations et on se sent sécure, on est des portes avions les uns pour les autres. C’est rare dans nos milieux professionnels ! »
« J’exerce depuis une dizaine d’année, poursuit-elle, j’ai l’impression d’avoir eu plusieurs carrières de psychomotricienne, j’ai construit ma façon d’exercer mon métier. Avant je me disais : si les parents reviennent c’est négatif, c’est qu’ils ne sont pas satisfaits. Aujourd’hui, dans le cadre de l’Institut, je me dis : ils peuvent revenir, ils savent qu’on est là pour eux. On est leur porte avion. Cette confiance mutuelle, j’adore ! »
« On se fait confiance entre collègues, on incarne ce qu’on dit »
« Les parents peuvent revenir, ils savent qu’on est là pour eux »
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