Mais vous me direz « la peur de mon enfant me fait peur aussi » ce qui se rajoute à ma propre peur.
L’aider à dire son émotion est difficile pour moi car je ne suis pas à l’aise avec cette émotion.
Certains d’entre vous auront ainsi tendance à banaliser, minimiser voir à exclure toutes les situations, propos , sentiments et pensées en lien avec la peur que provoque chez eux le COVID-19. « Maman est-ce que mamie pourrait mourir ? Qu’est-ce que tu dis là comme bêtise ! Va donc jouer dans ta chambre » Fin de la conversation… Ce déni pourra prendre des formes plus subtiles « dis maman est ce que c’est grave d’attraper le COVID ? Pas pour les enfants mon chéri ». Dans ces attitudes vis-à-vis d’une situation de danger peut être vous retrouverez-vous dans le comportement de vos parents. Chez nous on ne parlait pas de ce qui fâche et résultat je n’en suis pas mort. Peut-être même que ça m’a été bénéfique puisque j’ai appris à ne compter que sur moi. Et puis on ne peut pas toujours penser au pire. Ainsi en minimisant la gravité de ce que je vis, je me protège et je protège mon enfant. Finalement exactement ce que faisait Roberto Benigni dans ce film qui m’a tellement touché.
D’autres parents ne vont pas réagir comme ça. Objectivement la situation est grave et la politique de l’autruche ça ne fonctionne pas. « j’ai beau essayé de me raisonner c’est plus fort que moi je suis inquiète , je ne sais plus quoi penser ». « Quand je suis allée faire trois courses avec mon enfant ( je n’avais personne pour le garder) je ne savais pas s’il fallait lui mettre un masque ou si je pouvais prendre le risque de le laisser 5 minutes avec sa petite sœur. Tout le monde y va de son conseil mais finalement personne n’est là pour m’aider. Même ma mère qui s’inquiète pour moi finit par m’agacer ». La situation est complexe et peut-être vous sentez vous impuissant et vulnérable. Vous aimeriez qu’on prenne soin de vous.
Que vous vous retrouviez dans l’une ou l’autre de ces catégories, dans tous les cas la difficulté n’est-elle pas pour vous d’organiser vos propres états émotionnels intérieurs pour vous rendre disponibles à ce que peut ressentir votre enfant ? Ce que nous appelons la fonction réflexive*. Comme si on se regardait dans un miroir afin de se voir agir et que nous imaginions ce qui se trame dans les pensées de « l’autre ».
Entre le déni et la confusion, comment arriver à faire le tri dans ce chaos d’émotions, de pensées, de croyances qui nous agitent pour accompagner nos enfants dans cette régulation des émotions. C’est à nous les parents , les adultes qu’il revient d’être fort, sage et disponible psychiquement et émotionnellement. Nous sommes le modèle de nos enfants. Ils apprennent de nous autant, sinon plus par nos comportements que par nos paroles. Or quand nous avons peur, nos comportements obéissent à des schémas archaïques, anciens, profondément inscrits dans notre mémoire émotionnelle inconsciente. Prendre conscience de nos actions et de leurs répercussions sur le comportement de notre enfant voilà l’enjeu. Est-ce que je donne ce que je veux donner ? Mon enfant est il calmé par mon discours, mon attitude ? Joue-t-il tranquillement avec son frère, sa sœur ou est-il collé à ma moi me sollicitant à temps et à contre temps. Ou à l’inverse n’est-il pas trop calme ayant compris que c’est ça que je lui demande.
Prenez soin de vous les parents. Considérez qui vous êtes et qui sont ces petits êtres vulnérables, dépendants et fragiles qui comptent sur nous.
Dr Eric BAUGIER, Médecin psychothérapeute et formateur de l’Institut de la Parentalité
*La notion de « fonction réflexive » ne vient pas de « réfléchir » mais bien de « reflet » comme si on se regardait dans un miroir afin de se voir agir.