L’être humain est doué d’une capacité d’évolution très importante. Il s’adapte et se transforme à l’échelle de l’espèce mais aussi bien sûr au niveau de l’individu, grâce notamment à une plasticité cérébrale, c’est-à-dire grâce à un cerveau capable de se transformer tout au long de ses expériences : apprendre de nouvelles choses, créer de nouvelles habitudes, modifier sa vision du monde, ses croyances etc.
Spectaculaires les premiers mois et les premières années de vie, les apprentissages que réalisent quotidiennement l’enfant en font un être en constante transformation : Autonomie d’agir, déplacement, langage, habiletés… qui s’associent à des changements importants, accompagnés à chaque étape par les parents :
- Diversifier son alimentation
- Enlever les barreaux du lit de bébé
- Passer aux morceaux
- Regarder seul un livre
- Faire l’apprentissage de la propreté
- Ne plus dormir dans le lit des parents
- Arrêter le biberon
- …
La situation de confinement a « figé » des parties habituelles de nos vies en mouvement : elle a stoppé nos déplacements, nos départs en vacances, elle nous a privé de nos relations amicales, de nos sorties culturelles etc. Nos enfants n’ont plus l’occasion de leurs apprentissages sociaux et d’une partie de leurs apprentissages pédagogiques, de leurs explorations motrices et découverte de la nature…
Est-ce qu’au milieu de tout cela, on continue de grandir ?
Pour le parent, qui se retrouve parfois 7 jours/7 et 24h/24 avec son enfant, la question pourrait-être Est-ce que le moment est propice pour proposer les « changements du grandir » à nos enfants ?
L’enfant a un élan incroyable de développement, telle une poussée à découvrir, apprendre, trouver des appuis et explorer la vie. Toute nouvelle activité, tout nouvel apprentissage est une « exploration » justement pour l’enfant, qui ne peut avoir lieu que s’il s’éprouve en sécurité émotionnelle, que s’il sait à tout moment où il peut retrouver un havre de sécurité pour trouver réconfort.
La situation de confinement a induit en elle-même un immense changement. Dans nos cadres de vie, avec cet espace-temps réduit, concentré, et dans nos relations : Proximité voire promiscuité, physique, dans nos relations intra-familiales. Distance et contact par webcam interposées avec nos cercles de proches comme les amis, mais aussi parfois la famille, parfois les enfants- parents dans les cas de séparation. Le changement est partout. Nous avons pris le temps « d’explorer » les nouvelles règles du vivre ensemble durant ce mois de confinement, de retrouver un rythme, de nouvelles habitudes avec ces circonstances nouvelles qui deviennent maintenant plus habituelles et connues.
Ainsi la première question à se poser en tant que parent pour aborder un changement pour grandir, est celle de ce sentiment de sécurité chez notre enfant : A-t-il changé de comportement depuis le confinement ? Est-il beaucoup plus sollicitant ou au contraire plus en repli ? A-t-il plus de débordement émotionnel ? Le sommeil ou l’alimentation sont-ils modifiés ? Est-il préoccupé ? Ces éléments seraient des indicateurs en faveur de la priorité : prendre soin de son sentiment de sécurité avant tout.
De manière concomitante, il est important de considérer notre propre état de sécurité ou d’insécurité et notre disponibilité en cette période. Changer c’est « devenir autre ». Notre enfant va avoir encore plus besoin de nous, adulte fiable, cohérent et rassurant, pour l’accompagner dans une étape qui le fait changer, qui l’éloigne par exemple du Bébé qu’il était hier et dont le statut de dépendance et de proximité peut rester une nostalgie bien longtemps… Il est important d’être nous même conscient de nos ressources, vérifier notre «réservoir » au départ et s’assurer de pouvoir le recharger en cours de route…
Si les signaux sont au vert, nous pouvons alors en tant que parent prendre le temps de guetter les opportunités offertes par l’enfant et les situations. Plus qu’une injonction à grandir (Voir l’article sur la performance), nous pouvons envisager les étapes et les changements en accompagnant et saisissant les occasions qui se présentent pour accompagner l’enfant : Une mère me racontait que son petit garçon était en maternelle. Un copain avait fait remarquer à son fils que, lui, il n’avait plus de sucette depuis longtemps… Son garçon avait alors exprimé l’envie de jeter la sienne à la poubelle, événement accompagné et soutenu alors par ses parents. Il n’avait plus jamais réclamé de tétine.
Si un changement est là, que tout le monde se sent prêt, il est alors important de procéder avec détermination et douceur, en se rappelant qu’il s’agit bien d’une étape transformatrice, s’accompagnant d’une perte pour l’enfant (d’un état, d’un statut, d’un objet…). Nous pouvons alors être vigilant à
- Assurer coûte que coûte les conditions de son éprouvé de sécurité : se rendre le plus disponible possible, renforcer de la prévisibilité dans les événements notamment nouveaux, instaurer de nouveaux rituels…
- Soutenir l’enfant dans ses propres ressources pour faire face à ce moment de perte et de changement
- Favoriser ses actes et son sentiment d’autonomie dans ce changement qui est bien le sien, son étape de grandir.
- Penser à induire du « pas à pas », à aménager des étapes lorsque c’est nécessaire et possible.
- Eviter plusieurs changements importants en même temps ou de manière trop rapprochée. Même un tout petit changement peut être un grand changement pour l’enfant…
- Donner du sens et nommer ce qui est en train de changer.
- Aider l’enfant à s’approprier le changement, à le penser en jouant par exemple le changement chez ses petits personnages, poupon…, en dessinant etc.
Si ce n’est pas le temps du changement, votre statut quo est alors la meilleure occasion de prendre soin de lui, et de votre relation. Parfois même de « régresser », ce mot connoté négativement alors qu’il pourrait simplement être entendu comme un temps où l’on a besoin de se retrouver dans du « bien connu » qui rassure.
La période nous bouscule, exacerbe nos émotions, titille nos « vieilles peurs ». Nos difficultés personnelles et parfois familiales resurgissent et s’amplifient. La question du changement en cette période de confinement pourrait alors être aussi, Est-ce le moment de s’occuper de ces gênes, de ces habitudes ankylosées, de ces insupportables dans notre quotidien? Avons-nous là l’opportunité et la disponibilité d’un autre espace-temps pour induire du changement ?
La priorité reste de favoriser tout ce qui permettra la sécurité relationnelle. Il est possible aussi de noter toutes ces choses qui s’amplifient, qui s’exacerbent, qui titillent, qui deviennent insupportables comme des opportunités de « regarder » ce qui pourra un jour, le moment venu, se transformer dans nos vies.
Laurence Renaud, directrice opérationnelle et psychomotricienne de l’Institut de la Parentalité
L’équipe de l’institut de la parentalité vous accompagne dans cette période de confinement par des articles, des permanences conseil téléphoniques gratuites, des téléconsultations, et se tient à votre disposition pour échanger. 07.690.990.73.