George Tarabulsy

Il est professeur de psychologie et directeur scientifique du CRUJeF (centre de recherche universitaire sur les jeunes et les familles) à l’Université Laval, Québec. Il était un des principaux invités de la 18eédition des Assises nationales de la Protection de l’enfance au Grand Rex à Paris, les 19 et 20 juin 2025, centrées cette année sur les liens d’attachement. 

Il est intervenu dès l’ouverture des Assises, aux côtés du Dr Anne Raynaud, psychiatre, fondatrice et directrice des Instituts de la parentalité et fil rouge des échanges tout au long de cette édition. Spécialistes de l’attachement, ils ont posé ensemble les fondements de ces liens, redéfinissant à cette occasion le vocabulaire et les notions à partager, pour mieux comprendre les comportements et les besoins de l’enfant et des adultes qui l’entoure. Une entrée en matière fondamentale, pour appréhender la suite des interventions !

Dans les coulisses des Assises, George Tarabulsy a répondu bien volontiers à quelques questions supplémentaires, qui éclairent le contexte de son travail de chercheur au Québec.

Vous êtes venu du Québec pour intervenir aux Assises, pourquoi ?  

C’est une très belle invitation et un honneur d’être invité à cet événement. Je vois difficilement une plus belle occasion pour parler à des professionnels des services sociaux, d’un sujet sur lequel je travaille en tant que chercheur depuis 30 ans. Cette communication est très importante. 

Il y a un équivalent au Québec de ce rendez-vous ? 

Il existe un colloque sur la maltraitance, organisé tous les deux ans. Il faut savoir qu’au Québec, le domaine de l’intervention sociale est centralisé par le gouvernement. Ce colloque est donc organisé dans un contexte gouvernemental, avec un comité scientifique indépendant. Toutes les personnes qui font de la Recherche sur les questions de la maltraitance, du développement des jeunes, de l’intervention, des enjeux d’équité sociale se retrouvent à cette rencontre. C’est une occasion de transfert de connaissances vers les professionnels du domaine social, et de communication scientifique de résultats de recherche.

Chercheurs et intervenants du domaine social travaillent ensemble au Québec ? 

Oui, pour toutes sortes de raisons historiques, le domaine de la recherche sociale au Québec est très proche du domaine de l’intervention sociale. Quand on fait ce genre de colloque, le volet Recherche est donc très présent : des étudiants présentent leurs travaux, des professeurs exposent leurs programmes ou des résultats d’études. Notez au passage une différence d’échelle, on ne rassemblera jamais 2 000 personnes à ce genre d’événement. Le Québec est trois fois grand comme la France, mais compte à peine la population de Paris : si on rassemble 500 ou 600 personnes, c’est très bien ! Ce sont donc pour beaucoup des gens qui se connaissent et c’est l’occasion pour eux de se retrouver.

Le programme des Assises s’articule cette année autour des liens d’attachement. Comment avez-vous découvert l’attachement et comment travaillez-vous avec cette théorie au Québec ?

J’ai découvert l’attachement à travers mes lectures quand j’étais étudiant en psychologie. J’ai tout de suite accroché, même si je ne savais pas trop dans quoi je m’embarquais : il y a 30 ans, c’était le tout début du domaine ! Au cours de mes études, j’ai été exposé à des gens qui travaillaient sur la vulnérabilité sociale. La question de sa transmission m’a frappé : comment s’incarne la vulnérabilité sociale et comment se véhicule-t-elle d’une génération à l’autre ? À l’époque, on avait trouvé que les jeunes qui ne terminaient pas leurs études secondaires avaient une espérance de vie réduite de 7 ans, comparé à ceux qui finissaient leur secondaire. En regardant au-delà de leur parcours scolaire, leur trajectoire de vie, j’ai vu que la question des liens d’attachement était pertinent

Depuis, vous n’avez jamais quitté ce prisme des populations vulnérables dans vos travaux de recherche…

Depuis 30 ans dans mon laboratoire de recherche (le CRUJeF, université Laval, Québec), on a toujours insisté pour faire des travaux qui impliquaient des populations vulnérables. On a travaillé avec des familles suivies par la protection de l’enfance, et d’autres suivies dans des programmes de prévention pour éviter la protection de l’enfance – toutes des familles vulnérables.

Notre contribution en recherche, est d’essayer de comprendre les phénomènes de transmission, de stress, de toutes les choses que vivent les parents et comment elles peuvent impacter le lien. Un des résultats de nos travaux démontre clairement que les enjeux de vulnérabilité sont associés à la manière dont les gens interagissent, à la qualité et à la sécurité du lien et aux suites du développement.

Comment l’attachement s’est-il installé au Québec ? 

Le domaine de l’attachement a été un instrument fondamental dans le changement de notre perspective sur l’enfance, au cours des 50 dernières années. Quand la Théorie de l’Attachement a été développée dans les années 70, elle a suscité beaucoup d’opposition de tous les camps, les psychanalytiques, les behavioristes, les cognitifs. Ils n’aimaient pas l’approche. Ils voulaient voir des résultats.

On a commencé à faire des études « d’observation ». Ces études n’étaient pas dans la culture de la Recherche, on n’avait pas l’habitude de faire des observations dans les milieux familiaux. Or on a eu des résultats probants : des choses qui se passaient à la maison, que l’on pouvait décoder, étaient en lien avec toutes nos évaluations en laboratoire de la sécurité de l’attachement. Ça a été un déclencheur.

L’autre aspect concerne le regard sur le développement de l’enfant. À l’époque du début de l’attachement, certaines théories parlaient de discontinuité dans le développement. Les résultats de travaux provenant de l’attachement et l’évolution des neurosciences ont permis de montrer la continuité, et révolutionné la perspective sur l’enfance. Si je refaisais mon doctorat, ce serait en neurosciences développementales, c’est passionnant ! 

La formation au Québec fait-elle aujourd’hui une place à la théorie de l’attachement ?

Il y a trop peu d’heures de cours encore sur l’attachement à l’Université. Pour des raisons administratives, les programmes sont occupés par d’autres choses. La formation de psychologue propose 45 heures de formation sur les processus de perception… et 45 minutes sur l’attachement. Chez nous, les praticiens sont formés à l’Université, on pense donc que c’est à l’Université d’assurer une formation qui réponde aux besoins du réseau, en particulier sur l’attachement. Cette demande est en train d’être intégrée, mais cela prend du temps. 

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