Des accidents de maternité touchent chaque année des milliers de femmes, des milliers d’enfants.
La grossesse n’est en elle-même ni nécessaire ni suffisante pour se sentir être et devenir mère : le déni de grossesse ou l’adoption en sont des illustrations.
Mettre un enfant au monde ne signifie pas forcément devenir mère. Parfois une souffrance intense envahit la relation mère-enfant.
Les difficultés natales existent pour le bébé avec le risque pour lui de s’engager dans des troubles précoces du développement.
Pour le Pr J.M. Delassus : « On peut souffrir d’être mère, on peut souffrir de ne pas arriver à l’être. La maternité peut faire souffrir, douloureusement, cruellement. On peut mourir de cette souffrance. Il y a des femmes qui meurent de ne pas savoir aimer un bébé, qui se suicident, qui en perdent la tête. »
Il a décrit la difficulté maternelle comme l’ensemble des manifestations émotionnelles, psychiques et somatiques, douloureuses et pathologiques qui surgissent pendant une grossesse, après une naissance ou une adoption et qui sont issues des achoppements ou blocages dans le processus psychique de maternité.
Les effets et/ou conséquences peuvent être perceptibles tant chez la mère que chez l’enfant.
10% à 20% des mères sont concernées chaque année par cette souffrance cachée, difficile à deviner derrière un maternage efficace parfois. Même lorsque la difficulté est visible, portant atteinte à l’identité de la mère, il est encore temps de prévenir les risques de retentissement sur le bébé.

La dépression du post-partum apparaît sous des formes diverses, c’est l’association de plusieurs symptômes et leur persistance qui sont le signe de l’effondrement intérieur chez la mère :
-plaintes et douleurs somatiques, troubles du sommeil majeurs et durables, fatigue excessive, pleurs fréquents, difficultés de décision et de concentration, perte d’envie, oublis importants, anxiété constante, colères, crises d’angoisse, de panique, ruminations, peur de ne pas y arriver, peur de décevoir,
-conduites d’hyperactivité, difficulté à se nourrir et/ou nourrir son enfant, autodépréciation, culpabilité intense, regrets de l’accouchement ou de la grossesse, sentiment d’inutilité vis-à-vis du bébé, peur de ses pleurs, peur de ses cris, insatisfaction autour du prénom choisi, envie de partir ou de disparaître, sentiment d’être de trop, etc.

Des signes doivent nous alerter chez le bébé :

Troubles du sommeil, pleurs incessants, difficulté à être consolé,
problèmes dermatologiques,
difficultés avec l’allaitement au sein ou au biberon : excessivement long et pénible ou, au contraire, trop rapide, digestion difficile, régurgitations persistantes,
opposition du bébé pendant l’allaitement ou , au contraire passivité,
retard psycho-moteur,
apathie, bébé qui ne se réveille que pour se nourrir, pas ou peu d’interaction avec l’entourage, hypotonie, absence de regard ou regard qui se détourne, etc

Devenir mère : une mise au monde, deux naissances psychiques : celle de la mère et celle de l’enfant,

Au carrefour des histoires familiales et des inconscients,
Le processus de maternité trouve son origine dans l’enfance, se prolonge à l’adolescence et se concrétise quand vient la parentalité : grossesse, naissance, post-partum.
La mère, par les prises de conscience et remaniements psychiques, assimile son expérience actuelle avec son bébé à ses expériences du passé : de nouvelles représentations peuvent s’élaborer.

Quand tout va bien, bébé est au centre des pensées de sa mère, c’est la préoccupation maternelle primaire selon D.W. Winnicott, période où, pour s’adapter aux besoins du nouveau-né, la mère va s’identifier à lui, dans un état de régression nécessaire. Elle est en capacité d’occuper la fonction de prendre soin et devient un caregiver sécurisant selon J. Bowlby.
Mais quand tout va mal, le bébé à aimer, envahit toute la psyché maternelle, « il deviendra le théâtre des manques et des peurs de leur propre enfance » V. Boureau-Louvet , et il en souffrira terriblement :
Il sera décevant, non gratifiant, toujours malade, à problèmes, ou un mauvais bébé.
La mère se fabrique une identité maternelle qui pourra faire illusion, par des conduites d’évitement, conscientes ou non, qui soulagent sa souffrance : hyper-vigilante, perfectionniste, dans le tout contrôle, habituée des cabinets médicaux, ou parfois négligente, accusatrice, elle peut se détourner de son bébé.

Entre les deux : il existe aussi des états de souffrance psychique de la mère ou du bébé, plus nuancés, plus discrets, qui méritent aussi toute notre attention et notre accompagnement car l’accueil d’émotions « négatives » par un professionnel, dans des rencontres sécurisantes, diminue l’angoisse.

Quels soins ?

Le soin de la Maternité dans sa dimension psychique, doit débuter le plus précocement possible pour éviter des dépressions ou la « cicatrisation » sur le bébé.

Il s’agit de préparer dès la grossesse, le climat de sécurité nécessaire aux parents, d’augmenter la sécurité des femmes en amont par la prise en compte de ce qu’elles ressentent, d’améliorer le bien-être maternel tout au long du parcours périnatal, d’abord pour la mère, pour le père, et par voie de conséquence pour le fœtus et le nouveau-né.
L’écoute attentive des facteurs d’angoisse diminue le stress. Certaines manifestations d’angoisse n’émergent pas à la conscience et s’expriment dans le corps des femmes enceintes. Il faut s’intéresser aux conditions de naissance de la future mère elle-même et prendre en compte le bien-être corporel et émotionnel parental dès que possible.

La grossesse est l’occasion exceptionnelle de consolider ou de reconstruire la sécurité de base au travers des effets des liens interprofessionnels sur la vie psychique des futurs parents. Ces quelques mois peuvent modifier de manière radicale les étapes à venir : accouchement, post-partum, mise en place des premiers liens, développement de l’enfant et du potentiel du futur adulte.

Ensuite, à partir de la maternité, par une prise en charge physique et psychologique globale de la mère et du bébé, en incluant le père.
Et par une coordination des soins organisée par les professionnels de la périnatalité car le manque de coordination est toujours un facteur de stress pour les nouveaux parents.

Parce que le conjoint lui-même est traversé par son propre mouvement de devenir père, il a besoin de rencontrer des professionnels attentifs. Aussi, quand la mère est en souffrance, l’accompagnement du père, mais aussi des autres enfants et des grands-parents peut se révéler nécessaire parce que c’est l’ensemble de la famille qui est impacté et en souffrance.

F. Molénat écrivait la nécessité de « L’organisation de collaborations étroites entre les disciplines concernées dans la médecine périnatale : obstétrique, pédiatrie, médecine générale, services médico-sociaux et sociaux, psychiatrie de l’enfant et de l’adulte. Un tel partenariat s’impose dans les cas de grande vulnérabilité parentale, et démontre, dans les lieux qui s’y prêtent, son efficacité pour l’enfant et pour l’ensemble de la famille. »

Laurence COURTY, psychologue

Bibliographie

  • Psychanalyse de la Naissance, J.M. Delassus, Dunod, Paris, 2005
  • L’Aide-mémoire de Maternologie, J.M. Delassus, L. Carlier, V. Boureau-Louvet, Dunod, Paris, 2010
  • Tremblements de mères, association Maman Blues, L’Instant présent, 2010
  • Je rêve un enfant, M. Bydlowski, O. Jacob, 2000
  • Accompagnement et Alliance en cours de grossesse, F. Molénat, Yapaka, Bruxelles, 2012
  • A Secure base, J. Bowlby, 1988
  • De la pédiatrie à la psychanalyse, D.W ; Winnicott, 1969
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